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Ciboulette et ses deux mains gauches !
16 décembre 2007

Il n'y a plus que quelques pas à faire pour

Il n'y a plus que quelques pas à faire pour arriver à la salle à manger ; mais, hélas, à mesure que le réveillon approche, l'infortuné Balguère se sent pris d'une folie d'impatience et de gourmandiese. Sa vision s'accentue, les carpes dorées, les dindes rôties sont là, là... Il les touche... Il les... Oh Dieu ! ... Les plats fument, les vins embaument, et secouant son grelot enragé, la petite sonnette lui crie :

- vite, vite encore plus vite !

Mais comment pourrait-il aller plus vite ? Ses lèvres remuent à peine. Il ne prononce plus les mots... A moins de tricher tout à fait avec le Bon Dieu et de lui escamoter sa messe... Et c'est ce qu'il fait le malheureux ! de tentation en tentation, il commence par sauter un verset, puis deux. Puis l'épître est trop longue, il ne la finit pas, effleure l'Evangile, passe devant le Credo sans entrer, saute le Pater, salue de loin la préface, et par bonds et par élans se précipite ainsi dans la damnation éternelle, toujours suivi de l'infâme Garrigou (vade retro, satanas !), qui le seconde avec une merveilleuse entente, lui relève sa chasuble, tourne les feuillets deux par deux, bouscule les pupitres, renverses les burettes, et sans cesse secoue la petite sonnette de plus en plus fort, de plus en plus vite.

Il faut voir la figure effarée que font tous les assistants ! Obligés de suivre à la mimique du prêtre cette messe dont ils n'entendent pas un mot, les uns se lèvent quand les autres s'agenouillent, s'asseyent quand les autres sont debout ; et toutes les phrases de ce singulier office se confondent sur les bancs dans une foule d'attitudes diverses. L'étoile de Noël en route dans les chemins du ciel, là-bas, vers la petite étable, pâlit d'épouvante en voyant cette confusion...

- l'abbé va trop vite... on ne peut pas suivre,

murmure la vieille douairière en agitant sa coiffe avec égarement

Maître Arnoton, ses grandes lunettes d'acier sur le nez, cherche dans son paroissin ou diantre on peut bien en être. Mais au fond, tous ces braves gens, qui eux aussi pensent à réveillonner ne sont pas fâchés que la messe aille à ce train de poste, et quand Don Balguère, la figure rayonnante, se tourne vers l'assistance en criant de toutes ses forces : ITE MISSA EST, il n'y a qu'une voix dans la chapelle pour lui répondre un DEO GRATIAS si joyeux, si entraînant, qu'on se croirait déjà à table au premier toast du réveillon.

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